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Sur le recours au juge judiciaire en cas de coupe illicite de l’ONF

La note juridique de Maître Yann FAUCONNIER (mars 2024)

Avocat au Barreau de Clermont-Ferrand

14 bis Place Gaillard 63000 Clermont-Ferrand

fauconnieravocat@outlook.fr 



La contestation des actes de gestion de l’ONF, en qualité d’établissement public industriel et commercial, relève de la compétence du juge judiciaire. 


En présence de ce qu’elles considéraient comme des pratiques de coupes en contradiction avec les engagements de gestion et les documents d’aménagement, des associations ont saisi le juge des référés afin qu’il soit ordonné, principalement, la suspension de travaux de déboisement sous astreinte.


Rapidement, cette action est fondée sur l'article 834 du code de procédure civile qui dispose que dans tous les cas d'urgence, le juge compétent peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Également, sur l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, qui permet, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire en urgence les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. 


Le trouble manifestement illicite peut se définir comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. L'illicéité résulte de la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire dont l'origine est délictuelle ou contractuelle.


Ainsi et par une ordonnance du 20 mai 2020 (RG : 19/00891), le Président du Tribunal de Nîmes va ordonner à l'ONF de suspendre, ou de faire suspendre de tous les ayant-droits, les travaux de déboisement des parcelles forestières concernées, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.


👉 Néanmoins, l’ONF va interjeter appel de cette ordonnance et obtenir gain de cause (Cour d'appel de Nîmes, arrêt du 17 décembre 2020 (RG n° 20/01410).


La Cour constate tout d’abord que la forêt dont s’agit est gérée par l’ONF conformément à un arrêté d'aménagement, fixant les objectifs de sylviculture. C’est à la lumière de ce document d’aménagement que les associations, et le juge de première instance, avaient pu estimer les pratiques de l’ONF comme illicites.


Toutefois, les magistrats d’appel constatent que le document d’aménagement a fait l’objet d’une modification par décision d'aménagement prise par le directeur des agences territoriales, l’ONF expliquant que, portant sur une surface inférieure à 10 %, elle n’avait pas à être approuvé par le ministre en charge des forêts et ni à faire l’objet d’une publication pour être rendue exécutoire. Et cette modification, forte opportune, prévoyait justement les coupes estimées comme illicites par les associations car non prévues dans la version initiale du document de gestion. 


Les associations ont eu beau plaider l’illégalité de cette modification règlementaire, c’était sortir du cadre de compétence du juge judiciaire pour entrer dans celui du Juge administratif : « Cependant, la décision modificative d'aménagement constituant un acte administratif, il n'appartient en aucun cas au juge judiciaire de se prononcer sur sa régularité et sur son opposabilité. En l'état, ce document, dès lors qu'il n'a pas été annulé ou invalidé, s'impose et ne peut être écarté. »  


👉 Le juge d’appel rappelle néanmoins l’office du juge judiciaire en la matière : 

« Il n'appartient pas au juge des référés de dire sur les dispositions de l'arrêté d'aménagement et de sa décision modificative sont conformes et régulières, pas plus qu'il ne lui revient la compétence d'en apprécier le contenu. Le juge des référés est, en revanche, tenu de s'assurer que l'ONF respecte ces documents et n'en fait pas une application non conforme susceptible de constituer un trouble manifestement illicite ou d'engendrer un dommage imminent. Les associations FRAPNA et Terre d'avenir ont saisi le président du tribunal judiciaire de Nîmes considérant que l'ONF ne respecte pas le plan d'aménagement et cause de ce fait un trouble manifestement illicite. Il appartient aux associations requérantes de démontrer les fautes de l'ONF comme cause du trouble invoqué».


Toutefois, en l’état du dossier, la Cour estime que les associations appelantes n’ont pas rapporté la preuve d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent. Pour ces motifs, l’ordonnance de première instance est réformée. 


Mais, outre cette fin peut satisfaisante pour les appelantes, l’affaire a ceci d’intéressant qu’elle illustre l’une des procédures contentieuses d’urgence qui peut être mise en œuvre si des coupes rases illicites était constatées sur le terrain. 

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