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Pour une suppression des aides aux installations de chauffage au bois, collectives ou particulières et une reconversion de ces aides dans les industries locales de transformation du bois

Jacques Laskar, Collectif des Trois Pignons www.c3pi.fr, 27 mai 2024

Le chauffage au bois est la première source de pollution en Île-de-France

L'agence nationale de santé publique Santé publique France estime que l'exposition de la population aux particules fines PM2.5 (< 2.5 µm) constitue la source principale de mortalité liée à la pollution atmosphérique, avec 40 000 décès par an en France et 6 000 décès par an en Île de France. Selon AIRPARIF, le chauffage au bois est la première source de pollution aux particules fines PM2.5 en Îe de France. Alors que les émissions liées au transport routier ont fortement diminué depuis 2005, celles liées au chauffage au bois évoluent peu. Elles  constituent 87% des émissions du secteur résidentiel (en jaune dans la figure).

​Airparif/Bilan2019


Le chauffage au bois, malgré son rôle principal dans la pollution atmosphérique en Île-de-France, est encouragé et subventionné à tort au nom de la lutte contre le réchauffement climatique



Le chauffage au bois n'est pas une énergie décarbonée

Pour une même énergie produite, dans des conditions optimales (foyer fermé performant), le chauffage au bois émet deux fois plus de CO2 que la combustion du méthane (gaz naturel). 


On ne peut pas à la fois demander à la forêt de jouer le rôle de puits de carbone et l'utiliser comme ressource pour le chauffage

La SNBC2 (Stratégie Nationale Bas Carbone) compte sur la forêt et son puits de carbone pour atténuer une partie de nos émissions de CO2. Cependant, le développement des installations de chauffage au bois incite à la réalisation de coupes rases pour alimenter la filière de bois énergie, ce qui constitue la pire solution dans la perspective de lutte contre le réchauffement climatique.


L'examen des scénarios types suivants permet de comprendre le problème. On se base pour cela sur les données issues du CITEPA, telles qu'elles sont rapportées dans le rapport de l'Académie des Sciences sur "Les forêts françaises face au changement climatique", en particulier sur la figure 4 de ce rapport. En l'absence d'exploitation forestière, le flux de carbone moyen sur les forêts métropolitaines est de 1.8 tonnes de carbone par hectare et par 

an (tC/ha/an). Le stock de carbone est de 163 tC/ha, dont 76 tC/ha dans la partie aérienne et le reste (87 tC/ha) dans le bois mort et le sol. L'âge moyen des forêts est de 60 ans.


  • Hypothèse 1 : on effectue une coupe rase sur 1 ha en bois énergie

On suppose que notre forêt a 60 ans. En tenant compte des pertes d'abattage (15%), on récolte 64 tC. Mais dit-on, la forêt va repousser. C'est vrai, mais il lui faudra autant de temps que ce qu'elle a mis à pousser, soit 60 ans pour récupérer le carbone dissipé dans l'atmosphère.


  • Hypothèse 2 : on laisse pousser la forêt et on brûle l'équivalent en méthane

Pour la même quantité d'énergie produite, la combustion du méthane émet 64/2 = 32 tC. Pour séquestrer cette quantité de carbone dans notre forêt d'un hectare, il suffira d'attendre 18 ans. En effet, la forêt qu'on n'a pas coupée est encore dans la force de l'âge et séquestre environ 1.8 t C/an.


  • Hypothèse 3 : même calculs avec le mix énergétique de chauffage français, hors énergies renouvelables (45% gaz, 41% elec, 14% fioul)

Dans ce cas l'émission est de 160g CO2/kwh (ADEME) contre 367g CO2/kwh pour le bois, soit 2.3 fois mois. Il suffit alors de 15 ans à la forêt pour absorber le CO2 émis. 



Donc si on veut faire jouer à la forêt le rôle de puits de carbone, il vaut mieux la laisser pousser.


Bien sûr, il existe des scénarios intermédiaires où le bois énergie ne provient pas de coupes rases, mais résulte de bois d'éclaircie ou de résidus de scierie. Mais même dans ces cas, la solution la plus favorable pour la lutte contre le réchauffement climatique est l'utilisation de ces bois comme bois d'industrie pour la construction de matériaux à longue durée de vie (isolation, panneaux, matériaux de construction) stockant le carbone. Pour lutter contre le réchauffement climatique, le bois énergie ne doit être envisagé qu'en dernier recours et ne doit jamais motiver une coupe. Dans tous les cas, l'isolation des bâtiments doit être la priorité. 



En Île de France, la hiérarchie des usages (BO, BI, BE) n'est pas respectée


En 20 ans, le bois d'industrie (BI) a presque disparu au profit du bois énergie (BE)


La structure de la forêt n'a pas changé. Les bois qui, en 2004, étaient vendus en BI sont maintenant vendus en BE, et on assiste même à une diminution du BO au profit du BE. Ceci est néfaste à la lutte contre le réchauffement climatique, qui voudrait que l'on privilégie les usages du bois dans des produits à longue durée de vie. Ceci est lié à la disparition des scieries et industries de transformation en IDF.

Répartition par usage de bo

 

 

​Pour favoriser le stockage du carbone dans les produit bois, il faut supprimer les aides à l'implantation des chaufferies à bois, et reconvertir ces aides dans des subventions pour les industries de transformation locales du bois.

Il n'y a pas de BON CO2 ni de MAUVAIS CO2 ! 


L'image d'Épinal véhiculée fréquemment est celle d'un BON et d'un MAUVAIS CO2. Le BON CO2 serait émis en brûlant du bois, mais il ne resterait pas dans l'atmosphère car il serait capté par la croissance des forêts. Le MAUVAIS CO2, émis par les chaudières à gaz, resterait dans l'atmosphère, contribuant ainsi à l'effet de serre.

En réalité, il n'y a pas de BON ou de MAUVAIS CO2 ; il n'y a aucun moyen de distinguer le CO2 émis par la combustion du bois de celui émis par la combustion du gaz, si ce n'est que pour la même énergie produite, la combustion du bois émet deux fois plus de CO2 que le gaz. 

Une fois dans l'atmosphère, le CO2 peut être absorbé aussi bien par la croissance des arbres que par dissolution ou précipitation dans les océans, sans distinction de son origine. Moins on émet de CO2, plus rapide sera son absorption.


www.flaticon.com

La forêt face aux réchauffement climatique : conférence de Jacques Laskar 


POUR ALLER PLUS LOIN ...

Les forêts françaises face au changement : rôle et défis 

Explications d'Isabelle Chuine, directrice de recherche CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive, membre de l'Académie des sciences.

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Rapport de l’Académie des sciences sur la forêt

Les forêts françaises face au changement climatique - juin 2023. Dans son rapport, l'Académie des sciences alerte sur cette situation et formule des recommandations pour faire face à ces défis.

Lire le rapport